« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Clisson et Eugénie, roman de jeunesse de Napoléon Bonaparte

Roman...

Clisson et Eugénie (Bonaparte)   Napoléon Bonaparte avait l’âme romantique. À preuve ce roman de jeunesse inédit en son temps. Il date de 1795. D’aucuns y voient les sœurs Julie et Désirée Clary (son premier amour)...

Résumé

.  Le héros est un officier, l’héroïne a seize ans, comme Désirée. Clisson, c’est lui, Eugénie, c’est elle. Il écrit : « Eugénie avait seize ans, de jolis yeux, une taille ordinaire ; sans être laide, elle n’était pas une beauté, mais la bonté, mais la douceur, une tendresse vive, lui appartenaient essentiellement. » Clisson jeune guerrier, aime Eugénie. Ils sont amants et heureux. Parti à la guerre, il lui envoie son aide de camp, qui séduit Eugénie. Clisson ne peut la reconquérir car on l’attend sur le champ de bataille. Il triomphe des ennemis mais choisit la mort.

   En fait, le roman reflète son idylle avec Désirée : Napoléon part pour la guerre au lieu de courtiser Désirée qui l’aime toujours. On dispose de la correspondance échangée entre Désirée et Napoléon.   

   Il évoque le suicide, thème à la mode : « J’avais épuisé la vie et ses biens ; que me restait-il pour l’avenir que la satiété et l’ennui ? 

Extrait         

   « Il [Clisson] allait souvent aux bains d’Alles, distants d’une lieue de sa demeure. Il y passait des matins entiers à observer les hommes, ou à parcourir la forêt, ou à lire quelque bon auteur. Un jour que, contre l’ordinaire, il y avait un peu de monde, il y trouva deux jolies personnes qui paraissaient beaucoup se plaire dans leur promenade, qui venaient de retourner là seules, avec la légèreté et la gaieté de 16 ans. Amélie avait une belle taille, de beaux yeux, un beau teint, de beaux cheveux, et 17 ans. Eugénie, plus jeune d’un an, était moins belle. Amélie paraissait dire en vous regardant : tu m’aimes, mais tu n’es pas le seul, et j’en ai bien d’autres ; sachez donc que l’on ne me peut plaire qu’en me flattant, j’apprécie les compliments et j’aime l’accent guindé. Eugénie ne regardait jamais fixement un homme. Elle souriait avec douceur pour faire voir les plus belles dents possibles. Si on lui offrait la main, elle la donnait timidement, la retirait promptement. L’on dirait qu’elle provoquait de laisser voir la plus jolie main où la blancheur de la peau contrastait avec le bleu des veines. Amélie était comme un morceau de musique française, que l’on entend agréablement parce que l’on saisit la suite des accords qui plaît à tout le monde, parce que tout le monde sent l’harmonie. Eugénie était comme le chant du rossignol, ou un morceau de Paesiello, qui ne plaît qu’aux âmes sensibles seulement, dont la mélodie transporte et passionne les âmes faites pour la sentir vivement, tandis que cela paraît médiocre au commun. Amélie subjuguait la plupart des jeunes gens, elle ordonnait l‘amour Mais Eugénie pouvait seule plaire à l’homme ardent qui n’aime pas par goût, par galanterie, mais avec la passion d’un sentiment profond. La première arrivait à l’amour par la beauté. Eugénie devait allumer dans le cœur d’un seul une passion forte, digne... des héros. »

... et lettres d'amour à Joséphine

   Voici quelques extraits de lettres que Napoléon écrivit à Joséphine durant la campagne d’Italie. On sait qu'elle le trompait abondamment...

- « Te souviens-tu de ce rêve où j’ôtais tes souliers, tes chiffons et je te faisais entrer tout entière dans mon cœur ? »

- « Un jour peut-être viendra où je te verrai. Eh bien ! Ce jour-là, je te montrerai ma poche pleines de lettres que je ne t’ai jamais envoyées parce qu’elles étaient trop bêtes. »

- « Depuis que je t’ai quittée, j’ai toujours été triste. Mon bonheur est d’être près toi. »

-« La Nature m’a fait l’âme forte et décidée. Elle t’a bâtie de dentelle et de gaze. »

- « Quand j’exige de toi un amour pareil au mien, j’ai tort : pourquoi vouloir que la dentelle pèse autant que l’or ? »

- « Mes soldats me marquent une confiance qui ne s’exprime pas. Toi seule me chagrines, toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. »

- « Ta dernière lettre est froide comme l’amitié mais je me forge des peines : tu ne peux m’avoir inspiré un amour sans bornes, sans le partager. »

- « Dis-moi, toi qui sais si bien faire aimer les autres sans aimer, saurais-tu comment on guérit de l’amour ? »

- « Cruelle ! Pourquoi m’avoir fait espérer un sentiment que tu n’éprouves pas ! Mais le reproche n’est pas digne de moi. Je n’ai jamais cru au bonheur. Tous les jours, la mort voltige autour de moi. La vie vaut-elle la peine de faire tant de bruit ! » 

- « Il y a un mois que je n’ai reçu de tes lettres. »

Sources : Passions et Chagrins de madame Bonaparte, Sandra Gulland, Stock 2000.

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Lectures de Napoléon

    Napoléon, qui préfère la tragédie à la comédie pleure (les larmes sont à la mode) en écoutant Cinna.

   Il apprécie Rousseau, surtout Le Devin de village. Il écrit à ce propos : « Je retournerai plus fort, plus sensible, après avoir joui de la tendresse de la simple villageoise.  Ô Rousseau, n’aurais-tu fait que Le Devin du village, ce serait déjà beaucoup pour le bonheur de tes semblables. »

   Il aime aussi les poèmes d’Ossian (barde écossais qui n’a jamais existé !), Paul et Virginie.     

Date de dernière mise à jour : 20/03/2024