« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Chez Voltaire

Voltaire passionné de théâtre : Zaïre

   Voltaire adore le théâtre et commence sa carrière comme auteur dramatique (Œdipe, rédigé en prison, date de 1717) : il écrit 28 tragédies et comédies dont nous retiendrons Zaïre (1732), écrite à son retour d'exil en Angleterre... en 22 jours !

   Il veut concilier le dépouillement de Racine et le spectaculaire de Shakespeare (qu’il connaît bien grâce à son exil en Angleterre), la morale édifiante et l’émotion pathétique. La pièce se veut l’héritière d’Othello, Polyeucte, Phèdre et Athalie. En même temps, il innove en rompant avec les sujets antiques, puisant directement dans le fonds national.   

   Mais l’intrigue reste conventionnelle, les péripéties sont artificielles et les personnages stéréotypés. Toutefois, l’élégance de l’écriture et la portée idéologique font le mérite de la pièce. Elle oppose en effet deux modèles de civilisation, soulève la question des mariages mixtes et du combat entre la foi et la passion amoureuse, comme le souligne ce vers : « Mon Dieu qui me la rend, me la rends-tu chrétienne ? » 

Résumé

   À l’époque des croisades, dans le sérail de Jérusalem, Zaïre, chrétienne élevée dans la religion musulmane, se dispose à épouser le sultan Orosmane. Le chevalier chrétien Nérestan apporte la rançon qui doit délivrer la jeune femme ainsi que Lusignan, un ancien croisé. Orosmane refuse puis, sur les instances de Zaïre, consent à libérer Lusignan, le père de la jeune femme et de Nérestan. Pour respecter la foi chrétienne, Zaïre va renoncer à son mariage et recevoir le baptême. Orosmane, jaloux de Nérestan qu’il prend pour un rival, égaré par une lettre, convaincu d’être trompé, refuse d’entendre les protestations d’amour de sa fiancée. Il la poignarde et se donne la mort après avoir appris la vérité.

   Mais Voltaire n’est pas fait pour le théâtre, à son grand regret, et a du mal à venir à bout de son Eriphile et d’Adélaïde : « Je le corrige, j’efface, j’ajoute, je barbouille. La tête me tourne », écrit-il le 15 mai 1733.

   Ses contes philosophiques, brefs et percutants, correspondent mieux à son esprit rapide et ironique et leur brièveté nuance peut-être l'amertume de leurs leçons, la structure d'un texte étant un élément non négligeable du sens. Après tout, Voltaire, lucide certes, mais voulant jouir de la vie, ne consacre-t-il pas son existence à la quête du bonheur ?

   Dans son Paradoxe sur le comédien, Diderot prend l'exemple de Zaïre (à propos du long entraînement du comédien pour paraître naturel, d'où le paradoxe) : « ... avant de dire Zaïre, vous pleurez ! [...], l'acteur s'est longtemps écouté lui-même... »

L'héroïne de L'Ingénu (Voltaire, 1767)

   L’idylle malheureuse de deux cœurs tendres domine la seconde moitié de ce roman, à la fin tragique. L’Ingénu, jeune Huron venu du Canada, conquiert le cœur de Mlle de Saint-Yves, jeune fille vertueuse dont il s’est épris en Bretagne après son débarquement à Saint-Malo. « Je veux que le roi fasse sortir Mlle de Saint-Yves du couvent et qu’il me la donne en mariage. » En attendant, il se promène dans les jardins de Versailles et se couche « dans la douce espérance de voir le roi le lendemain, d’obtenir Mlle de Saint-Yves en mariage... »

   Rien que cela ! Mais « M. de Louvois [ministre de Louis XIV] [...] avait reçu une lettre du bailli qui dépeignait l’Ingénu comme un garnement qui voulait brûler les couvents et enlever les filles. » Le fils du bailli voulant épouser en effet Mlle de Saint-Yves qui lui préfère l’Ingénu, le bailli se venge en dénonçant le rival à son fils. On l’enferme à la Bastille en raison de son trop grand naturel (sa naïveté frise l’insolence) en lui interdisant d’épouser celle qu’il aime. Elle veut le faire libérer mais elle meurt et il en est désespéré. Deux innocents sont ainsi persécutés.

   Le roman, qui s’achève comme ceux de Richardson, montre la sensibilité de Voltaire aux tendances nouvelles depuis la parution de Julie ou La Nouvelle Héloïse.

Image des femmes dans Le Monde comme il va (Voltaire)

   De Voltaire, on connaît bien les contes Zadig, Candide et l’Ingénu, beaucoup moins Le Monde comme il va, paru en 1748. Les « turqueries » sont toujours à la mode. Le héros, Babouc, se situe à mi-chemin entre Zadig la victime et Candide le témoin impuissant, et énonce : « Si tout n’est pas bien, tout est passable. » Il faut donc laisser aller « le monde comme il va. »

   Les extraits suivants proposent une vision des femmes relativement dépréciative, mais Voltaire se contente de dresser un tableau des mœurs de son temps, sous couvert d’un univers oriental.

[Les femmes et leurs amants]

   * « Il [Babouc] entra enfin chez la dame qui l’attendait à dîner avec une compagnie d’honnêtes gens. La maison était propre et ordonnée, le repas délicieux, la dame jeune, belle, spirituelle, engageante, la compagnie digne d’elle. [...] Cependant il s’aperçut que la dame, qui avait commencé par lui demander tendrement des nouvelles de son mari, parlait plus tendrement encore, sur la fin du repas, à un jeune mage. Il vint un magistrat qui, en présence de sa femme, pressait avec vivacité une veuve, et cette veuve indulgente avait une main passée autour du cou du magistrat, tandis qu’elle tendait l’autre à un jeune citoyen très beau et très modeste. La femme du magistrat se leva de table la première, pour aller entretenir dans un cabinet voisin son directeur, qui arrivait trop tard, et qu’on avait attendu à dîner ; et le directeur, homme éloquent, lui parla dans ce cabinet avec tant de véhémence et d’onction que la dame avait, quand elle revint, les yeux humides, les joues enflammées, la démarche mal assurée, la parole tremblante. [...] Le talent qu’il [Babouc] avait d’attirer la confiance le mit dès le jour même dans les secrets de la dame ; elle lui confia son goût pour le jeune mage, et l’assura qua dans toutes les maisons de Persépolis [1] il trouverait l’équivalent de ce qu’il avait vu dans la sienne. Babouc conclut qu’une telle société ne pouvait subsister ; que la jalousie, la discorde, la vengeance, devaient désoler toutes les maisons ; que les larmes et le sang devaient couler tous les jours ; que certainement les maris tueraient les galants de leurs femmes, ou en seraient tués... »

[Paroles contraires aux actes]

   * « Dès que cette fête fut finie, il voulut voir la principale reine, qui avait débité dans ce beau palais une morale si noble et si pure[2] ; il se fit introduire chez Sa Majesté ; on le mena par un petit escalier, au second étage, dans un appartement mal meublé, où il trouva une femme mal vêtue qui lui dit d’un air noble et pathétique : « Ce métier-ci ne me donne pas de quoi vivre ; un des princes que vous avez vus m’a fait un enfant ; j’accoucherai bientôt ; je manque d’argent, et sans argent, on n’accouche point. »

[Romans]

   * « Il se mit à lire quelques livres nouveaux. Il y reconnut l’esprit de ses convives. Il vit surtout avec indignation ces gazettes de la médisance, ces archives du mauvais goût, que l‘envie, la bassesse et la faim ont dictées ; ces lâches satires où l’on ménage le vautour et où l’on déchire la colombe ; ces romans dénués d’imagination, où l’on voit tant de portraits de femmes que l’auteur ne connaît pas. »

[Ménage à trois]

   * « Tandis qu’il parlait au ministre entre brusquement la belle dame chez qui Babouc avait dîné. On voyait dans ses yeux et sur son front les symptômes de la douleur et de la colère. Elle éclata en reproches contre l’homme d’État ; elle versa des larmes ; elle se plaignit avec amertume de ce qu’on avait refusé à son mari une place où sa naissance lui permettait d’aspirer, et que ses services et ses blessures méritaient ; elle l’exprima avec tant de force, elle mit tant de grâces dans ses plaintes, elle détruisit les objections avec tant d’adresse, elle fit valoir les raisons avec tant d’éloquence, qu’elle ne sortit point de la chambre sans avoir fait la fortune de son mari.

   Babouc lui donna la main. « Est-il possible, Madame, lui dit-il, que vous vous soyez donné toute cette peine pour un homme que vous n’aimez point, et dont vous avez tout à craindre ? – Un homme que je n’aime point ? s’écria-t-elle. Sachez que mon mari est le meilleur ami que j’aie au monde, qu’il n’y a rien que je ne lui sacrifie hors de mon amant, et qu’il ferait tout pour moi, hors de quitter sa maîtresse. Je veux vous la faire connaître ; c’est une femme charmante, pleine d’esprit et du meilleur caractère du monde ; nous soupons ensemble ce soir avec mon mari et mon petit mage : venez partager notre joie. »

[Les femmes légères sont de braves filles]  

   « La dame mena Babouc chez elle. Le mari, qui était enfin arrivé plongé dans la douleur, revit sa femme avec des transports d’allégresse et de reconnaissance ; il embrassait tour à tour sa femme, sa maîtresse, le petit mage et Babouc. L’union, la gaieté, l’esprit et les grâces furent l’âme de ce repas. « Apprenez, lui dit la belle dame chez laquelle il soupait, que celles qu’on appelle quelquefois de malhonnêtes femmes ont presque toujours le mérite d’un très honnête homme ; et, pour vous en convaincre, venez demain dîner avec moi chez la belle Théone. Il y a quelques vieilles vestale qui la déchirent ; mais elle fait plus de bien qu’elles toutes ensemble. Elle ne commettrait pas une légère injustice pour le plus grand intérêt ; elle ne donne à son amant que des conseils généraux ; elle n’est occupée que de sa gloire ; il rougirait devant elle s’il avait laissé échapper une occasion de faire le bien ; car rien n’encourage plus aux actions vertueuses que d’avoir pour témoin et pour juge de sa conduite une maîtresse dont on veut mériter l’estime. »

   Babouc ne manqua pas au rendez-vous. Il vit une maison où régnaient tous les plaisirs ; Théone régnait sur eux ; elle savait parler à chacun son langage. Son esprit naturel mettait à son aise celui des autres ; elle plaisait sans presque le vouloir ; elle était aussi aimable que bienfaisante ; et, ce qui augmentait le prix de toutes ses bonnes qualités, elle était belle. »

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Notes

[1] Que le génie Ituriel veut détruire.

[2] Langage « mesuré, harmonieux et sublime » à propos du « devoir des rois, l’amour de la vertu, les dangers des passions. »

La Princesse de Babylone, oeuvre méconnue de Voltaire (1768)

   On l'a vu, l'Orient est à la mode. 

   Le conte se déploie dans un univers oriental somptueux et féerique : le phœnix, oiseau divin pour les Chaldéens, y ressuscite de ses cendres, des griffons tirent le canapé volant de la princesse et on sert rôti le bœuf Apis lors du festin couronnant le mariage si espéré des deux héros.

   Il s’agit donc d’un roman d’amour. Formosante, l’éblouissante fille du roi de Babylone, et le bel Amazan, un Gangaride venu la voir de son pays où les hommes vivent libres et selon la nature, éprouvent dès le premier regard une passion irrésistible. Des empêchement passagers séparent les deux jeunes gens et déclenchent une course-poursuite à travers le monde. Prétexte pour Voltaire, qui invente un voyage philosophique à travers l’Europe des Lumières, où l’on rencontre des rois témoignant que « le temps de la raison est venu », notamment Fréderic II, Stanislas Poniatowski et Catherine II.

   Le cadre et le merveilleux rattachent La Princesse de Babylone à la lignée des contes voltairiens entamée par Zadig. Formosante rappelle la reine Astarté et les diamants d’Amazan évoquent ceux de Candide au sortir de l’Eldorado. Le voyage critique à travers l’Europe relie l’ouvrage à une autre série de contes, commencé avec l’Histoire des voyages de Scarmentado. Ce voyage d’insère dans une structure baroque riche en aventures, utopies et histoires imbriquées. La Princesse est le dernier conte où Voltaire allie le merveilleux, la fantaisie et le réalisme.  

Sources : Dictionnaire de la littérature française, 18e siècle, op. cit.

La Princesse de Babylone (Voltaire) : défense des animaux

   Bélus, roi de Babylone en Chaldée, veut marier sa fille, la jeune et belle Formosante. Il organise un grand concours composé d’épreuves diverses au cours desquelles s’affrontent des prétendants venus des quatre coins du monde. Elle tombe sous le charme de l’un deux, qui semble avoir toutes les qualités requises par Bélus, mais qui s’enfuit précipitamment. Il n’a que le temps de lui offrir un oiseau au plumage magnifique.

CHAPITRE V

(Extrait)

   « Elle éclatait en sanglots ; elle s’écriait avec larmes : « Je ne le reverrai donc plus ; il ne reviendra pas !

— Il reviendra, madame, lui répondit l’oiseau du haut de son oranger ; peut-on vous avoir vue, et ne pas vous revoir ?

— Ô ciel ! ô puissances éternelles ! mon oiseau parle le pur chaldéen ! »

   En disant ces mots, elle tire ses rideaux, lui tend les bras, se met à genoux sur son lit : « Êtes-vous un dieu descendu sur la terre ? êtes-vous le grand Orosmade (voir note) caché sous ce beau plumage ? Si vous êtes un dieu, rendez-moi ce beau jeune homme.

— Je ne suis qu’un volatile, répliqua l’autre ; mais je naquis dans le temps que toutes les bêtes parlaient encore, et que les oiseaux, les serpents, les ânesses, les chevaux, et les griffons, s’entretenaient familièrement avec les hommes. Je n’ai pas voulu parler devant le monde, de peur que vos dames d’honneur ne me prissent pour un sorcier : je ne veux me découvrir qu’à vous. »

   Formosante, interdite, égarée, enivrée de tant de merveilles, agitée de l’empressement de faire cent questions à la fois, lui demanda d’abord quel âge il avait. « Vingt-sept mille neuf cents ans et six mois, madame ; je suis de l’âge de la petite révolution du ciel que vos mages appellent la précession des équinoxes, et qui s’accomplit en près de vingt-huit mille de vos années (voir note). Il y a des révolutions infiniment plus longues : aussi nous avons des êtres beaucoup plus vieux que moi. Il y a vingt-deux mille ans que j’appris le chaldéen dans un de mes voyages ; j’ai toujours conservé beaucoup de goût pour la langue chaldéenne ; mais les autres animaux mes confrères ont renoncé à parler dans vos climats.

— Et pourquoi cela, mon divin oiseau ?

— Hélas ! c’est parce que les hommes ont pris enfin l’habitude de nous manger, au lieu de converser et de s’instruire avec nous. Les barbares ! ne devaient-ils pas être convaincus qu’ayant les mêmes organes qu’eux, les mêmes sentiments, les mêmes besoins, les mêmes désirs, nous avions ce qui s’appelle une âme tout comme eux ; que nous étions leurs frères, et qu’il ne fallait cuire et manger que les méchants ? Nous sommes tellement vos frères que le grand Être, l’Être éternel et formateur, ayant fait un pacte avec les hommes, nous comprit expressément dans le traité. Il vous défendit de vous nourrir de notre sang, et à nous, de sucer le vôtre. Les fables de votre ancien Locman, traduites en tant de langues, seront un témoignage éternellement subsistant de l’heureux commerce que vous avez eu autrefois avec nous. Elles commencent toutes par ces mots : Du temps que les bêtes parlaient. Il est vrai qu’il y a beaucoup de femmes parmi vous qui parlent toujours à leurs chiens ; mais ils ont résolu de ne point répondre depuis qu’on les a forcés à coups de fouet d’aller à la chasse, et d’être les complices du meurtre de nos anciens amis communs, les cerfs, les daims, les lièvres et les perdrix. Vous avez encore d’anciens poèmes dans lesquels les chevaux parlent, et vos cochers leur adressent la parole tous les jours ; mais c’est avec tant de grossièreté, et en prononçant des mots si infâmes, que les chevaux, qui vous aimaient tant autrefois, vous détestent aujourd’hui. Le pays où demeure votre charmant inconnu, le plus parfait des hommes, est demeuré le seul où votre espèce sache encore aimer la nôtre et lui parler ; et c’est la seule contrée de la terre où les hommes soient justes.

— Et où est-il ce pays de mon cher inconnu ? Quel est le nom de ce héros ? Comment se nomme son empire ? Car je ne croirai pas plus qu’il est un berger que je ne crois que vous êtes une chauve-souris.

— Son pays, madame, est celui des Gangarides, peuple vertueux et invincible qui habite la rive orientale du Gange. Le nom de mon ami est Amazan. Il n’est pas roi, et je ne sais même s’il voudrait s’abaisser à l’être ; il aime trop ses compatriotes : il est berger comme eux. Mais n’allez pas vous imaginer que ces bergers ressemblent aux vôtres, qui, couverts à peine de lambeaux déchirés, gardent des moutons infiniment mieux habillés qu’eux ; qui gémissent sous le fardeau de la pauvreté, et qui payent à un exacteur la moitié des gages chétifs qu’ils reçoivent de leurs maîtres. Les bergers gangarides, nés tous égaux, sont les maîtres des troupeaux innombrables qui couvrent leurs prés éternellement fleuris. On ne les tue jamais : c’est un crime horrible vers le Gange de tuer et de manger son semblable. »

Voltaire, La Princesse de Babylone, (1768)

Ahura Mazda ou « Orosmade » est le dieu créateur que vénèrent les zoroastriens. Le zoroastrisme est la religion des perses qui conquirent Babylone au Vie siècle avant J.-C.

On attribue en effet aux astronomes babyloniens la découverte du changement de l’axe de rotation de la terre et du cycle de précession de cet axe, c’est-à-dire du temps qu’il lui faut pour retrouver la même position, soit environ 26 000 ans.

Voltaire et... Jeanne d'Arc

Jeanne d'Arc en costume de paysanne (miniature du 15e siecle, BnF)   Dans son ouvrage Le Pari biographique, François Dosse écrit :

   « On pourrait penser à priori que la figure de Jeanne d’Arc s’est tout de suite imposée comme incontournable. Il n’en est rien, au point que durant les 16e et 17e siècles sa figure tombe dans l’oubli. Certes, elle apparaît bien dans l’Histoire de France de Mézeray au 17e siècle, mais son aventure s’achève lorsque le roi est couronné à Reims, sa mission nationale étant alors terminée. Elle est remise sur scène par une violente charge de Voltaire qui a présente comme « une malheureuse idiote », ce qui suscite un intérêt jusqu’au plus haut niveau puisque plus tard, en 1803, Napoléon se dit partisan de son culte préconisé par la ville d’Orléans. La première moitié du 19e siècle lui est très favorable [...] Lorsque les républicains célèbrent Voltaire en 1878, une contre-commémoration s’organise autour de la figure tutélaire de Jeanne, qui devient objet de culte en son lieu de naissance, Domrémy. »

* * *

Cunégonde (Candide) - linguistique

Remarque grammaticale

   La pauvre Cunégonde fait ainsi à Candide le récit de son terrible destin :

   "J'étais dans mon lit et je dormais profondément, quand il plut au ciel d'envoyer les Bulgares dans notre beau château de Thunder-ten-tronck ; ils égorgèrent mon père et mon frère, et coupèrent ma mère par morceaux. Un grand Bulgare, haut de six pieds, voyant qu'à spectacle j'avais perdu connaissance, se mit à me violer, cela me fit revenir, je repris mes sens."

   Selon Sébastien Hubier (Littératures intimes, Armand Colin, 2003), "l'usage du passé simple désamorce celui de la première personne. Cunégonde ne semble pas concernée par sa propre histoire et parle d'elle-même comme si elle était une autre. Une distance intervient qui fonde l'ironie du passage et sert la dénonciation de l'absence de visée critique sur l'événement. Le rapprochement du passé simple (indifférence du narrateur à l'égard des événements de l'histoire) et de la première personne (qui manifeste la subjectivité de celui qui raconte l'histoire) est coupé de moment de l'énonciation, signale les fourvoiements d'autrefois et insiste sur les tumultes d'une existence", à la différence du passé composé.               

 

Date de dernière mise à jour : 02/03/2024