« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Les mots des femmes

   Dans sa biographie de Colette, Colette, une certaine France (Stock, 1999), l’écrivain Michel del Castillo évoque longuement l’ouvrage de Mona Ozouf, Les Mots des femmes, essai sur la singularité française. Il écrit :

   « On découvre leur présence [des femmes], on mesure leur influence aux origines de la civilisation qu’elles façonnent, propagent et raffinent.

   Dès le 12e siècle, la rhétorique de l’amour instaure entre les sexes ce commerce alambiqué, fait de mots ambigus et de beau langage – une langue codée. La complicité ne cessera plus. En chaque circonstance, on trouve des femmes pour obliger les hommes à exprimer avec bienséance et courtoisie leur enthousiasme, leur douleur, leur révolte. Elles exigent que leurs grognements belliqueux se coulent dans une langue délicate, simple et rapide, claire surtout. Leur sensibilité règle la grammaire, qui réfléchit leurs dégoûts : rejet de ce qui est lourd, obscur, filandreux. Plus une idée est subtile, plus aussi elles souhaitent que le langage l’expose avec netteté, si possible avec esprit.

   Cette école des femmes a produit des ridicules, elle a surtout encouru le reproche, sans cesse adressé aux Français par les étrangers, d’encourager la frivolité, jugement qui suffirait à montrer la confusion entre l’esprit des femmes et le pays.

   Dans son discours de réception à l’Académie française, Renan s’adresse aux contempteurs de la civilisation française : « Quand une nation aura produit ce que nous aurons fait avec notre frivolité, une noblesse mieux élevée que la nôtre aux 17e et 18e siècles, des femme plus charmantes que celles qui ont souri à notre philosophie, une société plus sympathique et plus spirituelle que celle de nos pères, alors nous serons vaincus. »

   Montesquieu écrit dans L’Esprit des lois : « Il est heureux de vivre dans ces climats qui permettent qu’on se communique ; où le sexe qui a le plus d’agrément semble parer la société ; et où les femmes, se réservant au plaisir d’un seul, servent encore à l’amusement de tous. »

   Salons et boudoirs ont bien été, selon l’expression de Hume, « les états généraux de l’esprit humain. » Mona Ozouf peut écrire de bon droit : « Pas d’échange intéressant et aimable, pas de réciprocité sans une femme intelligente qui préside à la conversation et en règle le ton. » […] Et, plus loin : « L’art féminin civilise les hommes et ceci d’un bout à l’autre de l’escalier social. »

_ _ _ Fin de citation.

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