« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Grimod de la Reynière invite à souper

Page de titre de l almanach des gourmands   

En ce 1er février 1783, 17 personnes reçoivent l’invitation suivante :

   « Vous êtes prié d’assister au souper-collation de Maître Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de la Reynière, écuyer, avocat au Parlement, qui se fera à son domicile, rue des Champs-Elysées[1], paroisse de la Magdeleine-de-la-Ville-l ’Evêque, le premier jour du mois de février 1783.    

   On fera son possible pour vous recevoir selon vos mérites ; et sans se flatter encore que vous soyez satisfait on ose vous assurer dès aujourd’hui que, du côté de l’huile et du cochon, vous n’aurez rien à désirer.

   On s’assemblera à neuf heures et demie pour souper à dix. Vous êtes instamment supplié de n’amener ni chien ni valet, le service devant être fait par des servants ad hoc. »

   Sont invités des gens de lettres, artistes, magistrats, jurisconsultes. L’invitation est rédigée et présentée sous la forme d’un avis nécrologique. En haut à droite, un cul-de-lampe représente un cercueil et son catafalque.

   Afin d’être tranquille avec ses invités et les spectateurs qui vont défiler en grand nombre, Grimod (homme de table célèbre et non moins célèbre écrivain gourmand) a éloigné sa mère (une pimbêche frivole imbue de son rang) en lui certifiant que les poissardes des Halles avaient l’intention de venir en délégation. Et qu’elle aurait à les complimenter et les embrasser.

   A l’entrée de l’hôtel, deux hommes armés accueillent les invités : « Où allez-vous ? – Che M. de la Reynière. – Lequel ? M. de la Reynière « sangsue du peuple » ou M. de la Reynière défenseur de la veuve et de l’orphelin ? »

Le La Reynière « sangsue du peuple », c’est le père, ancien charcutier devenu fermier général ; son fils (qui le déteste) l’a également éloigné ce soir-là en lui faisant croire qu’un feu d’artifice allait être tiré et que cela pouvait être dangereux.

   Les convives s’installent autour de la table où trône un catafalque. Elle est éclairée de 399 bougies (c’est le nombre de notaires à Paris, parmi lesquels Grimod envisage son admission, qui ne se fera jamais).

   Le repas est fait de 14 services de 5 plats chacun. Ce souper set suivi par des spectateurs groupés derrière des balustres. On leur distribue friandises et rafraîchissements. Parmi eux, l’évêque d’Orléans (frère de Mme de La Reynière mère).

   On sort de table vers quatre heures du matin et l’on se retrouve au salon, éclairé par 113 bougies, le nombre des avocats parisiens dont Grimod fait partie. Au centre de la pièce, une table chargée de café, thé et liqueurs.  

Remarque : sous le Consulat, il commence la publication de l’Almanach des Gourmands qui va connaître de nombreuses réimpressions.

 


[1] L’hôtel de La Reynière était situé sur l’emplacement actuel de l’ambassade des Etats-Unis à Paris.

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Date de dernière mise à jour : 15/11/2023