« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Amour épuré et féminisme

Le Printemps, scène précieuse   L'amour était le principal sujet d'intérêt des Précieuses. Il s'agissait d'en finir avec l'amour gaillard du XVIe siècle : Mme de Rambouillet exigeait dans son salon un parfait respect des convenances ; la passion, qui aurait troublé le calme de la vie mondaine, en était bannie. L'influence de l'Astrée a également contribué à dégager l'amour de toute sensualité vulgaire et des coups de foudre aveugles.

   Les Précieuses revenaient à l'amour courtois et platonique. Saint-Évremond, avant Molière, avait fait la satire de cette préciosité dans son poème Le Cercle (1656) : il leur reprochait d'avoir « tiré une passion très sensible du cœur à l'esprit et converti des mouvements en idées. » On les traitait parfois de prudes et Ninon de Lenclos, la grande courtisane pleine d'esprit, les traitait de « jansénistes de l'amour ».

   Mais cette austérité s'accompagnait de coquetterie : on aimait la galanterie et l'amour romanesque dont les longueurs permettaient de savourer les nuances du sentiment : le mariage devait être précédé d'une série d'aventures romanesques, complaisamment énumérées par Madelon dans Les Précieuses ridicules (scène 4). L'amour était le terme d'un long voyage dont toutes les étapes étaient marquées dans La Carte de Tendre de Mlle de Scudéry dans sa Clélie.   

   En résumé, la préciosité dénaturait les sentiments, obligeant les hommes à les accompagner d'un manège ridicule et les femmes à prendre le masque d'une pruderie hypocrite.

   Certaines Précieuses étaient hostiles au mariage, estimant qu'il condamnait les femmes à la servitude et altérait la pureté de l'amour. Celles qui l'admettaient se refusaient aux « saletés » et aux « choses du mariage ». Elles revendiquaient (comme Mlle de Scudéry) l'indépendance et l'égalité des droits. Mépris souverain de la matière... Peut-être également une réaction des bourgeoises souvent mariées malgré elles et avides de conquérir la liberté relative dont jouissaient les femmes de l'aristocratie.

   On voyait même s'exprimer des thèses hardies comme celles du divorce, du mariage à l'essai, voire de la vengeance d'une femme mariée contre son gré. Sur ce point du moins, Molière était d'accord avec les Précieuses !

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Date de dernière mise à jour : 13/09/2017