« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Saintes Délices de l’âme (Angelus Silesius)

L' Extase de Sainte Therese d'Avila, Le Bernin, détail   La religieuse des Lettre portugaises oubliait Dieu pour se vouer corps et âme à un être terrestre ; elle adressait à son amant les mots brûlants de l’amour mystique. Sous la plume du poète germanique Angélus Silesius (1624-1677), converti au catholicisme et entré dans l’ordre des Franciscains en 1661, on entend la voix d’une âme qui accède à l’union avec Dieu. Dans son œuvre les Saintes Délices de l’âme (1657) au sous-titre révélateur d’Églogues spirituelles de Psyché – c’est-à-dire l’âme – amoureuse de Jésus, c’est l’amour mystique qui emprunte le langage de l’amour humain. Confusion passionnée dont témoignent les quelques strophes suivantes où abondent les expressions amoureuses à double sens (mondain et religieux, charnel et spirituel). Ainsi, le lyrisme religieux du moine-poète pourrait servis de contrepoint au lyrisme profane des Lettres portugaises.  

Où est mon bien-aimé si beau... ?

« Où est mon bien-aimé si beau,

De mon âme le fiancé ?

Où est mon berger, mon agneau,

Pour qui mon cœur est attristé ?

Dites-le moi, prairies, herbages,

Vais-je parmi vous le trouver,

Pour que je puisse à son ombrage

Me rafraîchir et raviver ?

*

Dites-le moi, lis et narcisses,

Où est le lilial enfant ?

Roses, dites-moi sur le champ,

Me réservez-vous ses délices ?

Vous, jacinthes et violettes,

Et vous, fleurs aux multiples sortes,

Dois-je chez vous me mettre en quête

Pour que vite il me réconforte ?

*

Où est mon onde fraîche, ô puits ?

Ruisseaux, ma vague ruisselante ?

Mon principe que je poursuis,

Ma source toujours obsédante ?

Où est mn gai bocage, ô bois ?

Où se trouve, ô plaines, ma plaine ?

Champs, où est mon champ qui verdoie ?

Ah ! que vos voix vers lui me mènent !

*

Oiseaux, où est ma tourterelle ?

Où est mon pélican fidèle,

Capable de me vivifier ?

Ah ! que ne puis-je le trouver !

Où est mon sommet, ô collines,

O vallons où est ma vallée ?

Voyez, en tous sens je chemine

Et l’ai de toutes parts cherché !

*

Où est mon soleil et mon nord,

Ma lune et tout mon firmament,

Ma fin et mon commencement,

Mon allégresse et mon transport ?

Où est ma mort, où est ma vie,

Et mon ciel et mon paradis ?

Le cœur qui m‘a si bien ravie

Que je ne connais plus que lui ?

*

Dieu ! pourquoi questionner en vain ?

Il n’est pas chez les créatures !

Qui e fera dépasser la nature.

À mes plaintes qui mettra fin ?

Si par-dessus tout je m’élance

Pour plus haut que moi m'élever :

Je pourrai, j’en ai l’espérance,

O Jésus, enfin te retrouver... »

* * *