« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Molière et Colette

Sujet de composition française au brevet (Claudine à l'école)

« Sommaire – Exposez les réflexions et commentaires que vous inspirent ces paroles de Chrysale : « Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas », etc.

   Ce n’est pas un sujet ni trop idiot ni trop ingrat, par chance inespérée. J’entends autour de moi des questions anxieuses et désolées, car la plupart de ces petite filles ne savent pas ce que c’est que Chrysale ni Les Femmes savantes.  Il va y avoir le joli gâchis ! Je ne peux pas m’empêcher d’en rire d’avance. Je prépare une petite élucubration pas trop sotte, émaillée de citations variées, pour montrer qu’on connaît un peu son Molière ; ça marche assez bien, je finis par ne plus penser à ce qui se passe autour de moi.

   En levant la tête pour chercher un mot rétif, j’aperçois Roubaud fort occupé à crayonner mon portrait sur un petit calepin. Moi, je veux bien ; et je reprends la pose sans en avoir l’air.

   Paf ! Encore une boulette qui tombe. C’est de Luce : « Peux-tu m’écrire deux ou trois idées générales, je n’en sors pas, je suis désolée ; je t’embrasse de loin. » Je la regarde, je vois sa pauvre petite figure toute marbrée, ses yeux rouges, et elle répond à mon regard par un hochement de tête désespéré. Je lui griffonne sur un papier calque tout ce que je peux et je lance la boulette, non en l’air – trop dangereux – mais par terre, dans l’allée qui sépare les deux rangées de tables ; et Luce pose son pied dessus, lestement.

   Je fignole ma conclusion ; j’y développe des choses qui plairont et qui me déplaisent. Ouf ! fini ! Voyons ce que font les autres.

[…]

- Votre brouillon, Claudine ?

- Je n’en ai pas fait.

- Ma petite, il faut que vous soyez folle ! Pas de brouillon un jour d’examen ! Je renonce à obtenir de vous quoi que ce soit de raisonnable… Enfin, est-il mauvais, votre devoir ?

- Mais non, Mademoiselle, je ne le crois pas mauvais.

- Ça vaut quoi ? 17 ?

- 17 ? Oh ! Mademoiselle, la modestie m’empêche… 17, c’est beaucoup… Mais enfin ils me donneront bien 18 !

   Mes camarades me regardent avec une envieuse malveillance : « Cette Claudine, a-t-elle une chance de pouvoir prédire sa note ! Disons bien vite qu’elle n’a aucun mérité, disposition naturelle et voilà tout ; elle fait des compositions françaises comme on ferait un œuf sur le plat… et patati et patata ! »

_ _ _  Fin de citation 

Date de dernière mise à jour : 02/08/2023