« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Mme de Sévigné : lettres non publiées mais lues

Mme de Sévigné surveille son style

   On sait qu'en ces temps reculés, les femmes ne publiaient pas leurs ouvrages, sauf exception. Nous avons de Mme de Sévigné environ 1 500 lettres, dont quelques-unes furent publiées en 1697, 1725 et 1726, mais dont la première édition véritable, celle que sa petite-fille, Mme de Simiane, confia au chevalier de Perrin, date de 1734 et 1754.

   Elle-même prétendait laisser « trotter sa plume la bride sur le cou ». Voire... Elle savait parfaitement que ses lettres étaient lues et commentées dans les salons précieux. Parfois même, elle partage celles de sa fille, Mme de Grignan ; dans la lettre du 22 janvier 1672, elle écrit : « Vous avez des pensées et des tirades incomparables [...] ; quelquefois j'en donne aussi [à lire] une petite part à Mme de Villars, mais elle s'attache aux tendresses, et les larmes lui en viennent aux yeux. »    

   Elle surveillait donc son expression : allure vive et primesautière, ton libre et spirituel, coquetterie un peu précieuse... Elle n'oubliait pas le temps où elle fréquentait l'hôtel de Mme de Rambouillet et sa « chambre bleue », où on la nommait Sophronie... Donc, ici et là, elle plaçait quelques pointes mais, dans l'ensemble, elle sut garder une manière d'écrire juste, directe, simple et naturelle. Elle écrivit d'ailleurs à sa fille : « Ne quittez jamais le naturel, cela compose un style parfait. » (Lettre du 18 février 1671).

   La Bruyère pensait-il à elle quand il jugeait les femmes nettement supérieures aux hommes dans la littérature épistolaire ? Il écrivit : « Elles ont un enchaînement de discours inimitables et qui n'est lié que par le sens. » Et ailleurs : « Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d'écrire. »

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